dimanche 2 mars 2008

Danser avec la solitude

Dans le cadre de la 26e édition des Rendez-vous du cinéma québécois, je me suis présentée à la projection du magnifique premier long métrage de Stéphane Lafleur, Continental, un film sans fusil.

À la suite de la disparition mystérieuse du mari de Lucette (Marie-Ginette Guay), quatre personnages se trouvent dans un quotidien submergé par le désespoir, la solitude et l’attente d’un jour meilleur qui saura placer sur leur chemin une âme sœur. Alors que l’absence de son mari pousse Lucette dans un état de folie, Louis (Réal Bossé) tente malencontreusement de réussir dans son nouvel emploi et de maintenir une relation de couple saine, Chantal (Fanny Mallette) survit au célibat en se laissant des messages imaginaires sur sa boîte vocale et Marcel (Gilbert Sicotte) échappe aux effets nocifs de sa faillite personnelle en s’appropriant les biens des autres. C’est au moment où la tristesse de chacun se croisera que la faible lueur de bonheur tant recherchée se manifestera.


Continental
est sans aucun doute le film d’auteur québécois le plus révélateur de 2007 (je me retiens pour ne pas dire 2008, puisque j’anticipe Incendies de Denis Villeneuve). Dès les premières séquences du long métrage, chaque personnage est peint dans son environnement respectif, univers qui s’avère révélateur quant au caractère de chacun. La direction photo de Sara Mishara est d’une sobriété purement magnifique. Les plans sont très léchés, épurés : le cadre s’installe, reste fixe et attend simplement que les personnages prennent place. L’éclairage accueille ces derniers de sorte à accentuer l’état de solitude dans laquelle ils baignent. Aussi, les couleurs fades aux teintes vertes et beiges évoquent bien le malaise des protagonistes.


Fanny Mallette est bouleversante, voire troublante. Bien qu’elle adopte un rôle similaire à ce qu’elle a fait à maintes reprises auparavant, elle assure son personnage dans tout son pathétisme de sorte à ce que sa solitude dérangeante devient sympathique. Pour sa part, Réal Bossé surprend agréablement. Associé souvent à des rôles loufoques, il sait rendre tout le désespoir et l’instabilité de son personnage. Malgré le caractère particulièrement lourd des protagonistes, Marie Brassard vient déstabiliser la noirceur du récit avec son personnage d’une gêne tout à fait hilarante.


Si Continental est avare en dialogues, c’est que ces derniers s’avèrent singulièrement efficaces quand ils sortent de la bouche des personnages. L’étrangeté du titre de ce film se veut une allégorie au caractère solitaire de la danse traditionnelle. La séquence où le personnage de Lucette s’exécute parmi le groupe de danseurs est non seulement révélateur à ce sujet, mais est surtout d’une beauté poétique qui réussit bizarrement à nous bercer.


Tout le monde finit par trouver son compte dans cette comédie noire qui faire rire jaune.