vendredi 30 mars 2007

Rêver n’est pas qu’un jeu d’enfant

Une fois de plus, Michel Gondry explore l’univers de l’inconscient avec son dernier long-métrage, The science of sleep. Après s’être penché sur la psychose du rêve dans Eternal sunshine of the spotless mind, voilà que le cinéaste replonge son public dans un voyage onirique avec ce film aux images si espiègles.

À la suite du décès de son père, Stéphane (Gael García Bernal), un artiste simple d’esprit, revient habiter temporairement sous le toit maternel. Il renoue alors avec le petit garçon qu’il était et tous les rêves qui l’accompagnaient. Stéphane fait également connaissance avec sa nouvelle voisine, Stéphanie (Charlotte Gainsbourg), une jeune fille brisée par une réalité morne et malveillante, à qui il tentera désespérément de faire retrouver le cœur d’enfant.

Gondry a véritablement le don de reproduire le caractère abstrait et surréaliste des pensées et des rêves de ses personnages. Avec The science of sleep, il exploite le thème dans son absurdité la plus simple. Les décors cartonnés, les effets visuels rudimentaires ainsi que la psychologie quelque peu arriérée des protagonistes relèvent d’un vrai spectacle de marionnettes, voire d’un flip book.

Ce qui fait de Michel Gondry un réalisateur admirable est sa façon de construire les histoires. Le montage est basé sur un procédé narratif d’une brillante précision. Il réussit à maintenir une continuité radieusement fluide, naviguant du rêve
à la réalité. De plus, la trame sonore épouse harmonieusement le rythme avec ses mélodies sobres et sereines.

Fidèle à lui-même, Gael García Bernal interprète le personnage de Stéphane avec une justesse quasi-loufoque. Son jeu est si naïf que nous avons l’impression de suivre les aventures d’un jeune garçon de 11 ans. Cependant, Charlotte Gainsbourg est loin de surprendre. Elle ne semble pas avoir foi en son rôle, ce qui la mène à forcer sévèrement la note pour ainsi briser la magie féerique devant régner entre les deux tourtereaux du récit.

The science of sleep est un film qui demande incontestablement un deuxième degré de lecture. Il s’agit non seulement de plonger dans l’imaginaire enfantin, mais de saisir la critique sociale snob et égoïste qu’évoque Gondry. Même si le long-métrage est faible en ce qui a trait à sa profondeur, il reste efficace dans son discours. À tous les amateurs de bricolage, aux nostalgiques du premier coup de foudre ainsi qu’aux cinéphiles de surréalisme élémentaire.

Sweet dreams!

mardi 20 mars 2007

« This is noise »

C’est ainsi que s’introduit The sufferer and the witness, un album qui fait du bruit, un bruit militant, un bruit poignant. Avec ce quatrième opus, le groupe américain Rise Against, malgré leur éminente modestie, s’inscrit comme un des leaders importants du mouvement musical punk.

Pour être franche, j’ai renié Rise Against en automne 2005, alors que Swing life away envahissait les ondes radiophoniques, jugeant la formation de « vendue ». Je suis finalement restée complètement bouche bée, un an plus tard, par l’humilité renversante du chanteur du groupe, Tim McIlrach, alors qu’il donnait un discours sur le régime politique américain et discutait de sa notoriété.

The sufferer and the witness représente le punk dans son état pur, générant un son beaucoup plus mature, sans tonalités maladroites typiques au style « garage ». Les racines du groupe sont présentes dans plusieurs pièces dont Chamber the cartridge avec les fameux « OoOoOh! » propre à Pennywise.

Le groupe ne prend pas son rôle militariste à la légère et signe des textes engagés dont l’incontournable simple Prayer of the refugee. Sans tenter de forcer la note afin de révolutionner le mouvement avec un son nouveau, Rise Against laisse la guitare envahir son répertoire avec des accords simples provoqués par des riffs ravageurs.

La voix rauque parfois criarde, parfois douce de McIlrach est poignante. Avec The approaching curve et Roadside, le chanteur a marié avec finesse son arrangement vocal avec une voix féminine pour ainsi produire une harmonie surprenante, voire choquante.


Avec The sufferer and the witness, Rise Against s’élève contre l’exploitation animale et environnementale, s’élève contre une société indifférente à la condition humaine, s’élève contre la commercialisation et s’élève enfin pour l’amour du punk.

mercredi 14 mars 2007

Une torture pianistique

L’écrivaine allemande Elfriede Jelinek est reconnue pour sa plume crue et poétique. Son premier roman traduit de l’allemand au français, La Pianiste, n’est pas une exception. Considérée comme une œuvre semi-biographique, il s’agit d’une littérature exemplaire en ce qui a trait à la romance de l’autoportrait.

Jelinek livre l’existence troublée d’une pianiste de 36 ans, Erica Kohut, vivant toujours sous le toit maternel. Cette dernière se procure des vêtements griffés, fréquente régulièrement les peep-shows et espionne les fornications des amants du Prater pour ainsi échapper à l’emprise de sa vieille mère. C’est auprès d’un de ses apprentis, au Conservatoire de Vienne, que l’honorable professeur de piano tentera d’échapper à ses pulsions sexuelles incontrôlables. Tombée sous le charme du séduisant et talentueux Walter Klemmer, Erica perdra toute maîtrise d’elle-même pour enfin atteindre une rébellion dérangeante, voire masochiste.

La Pianiste est un roman dans lequel le lyrisme orchestre avec finesse le parallèle du courant classique de la musique vénéré par Schubert et le désir sexuel abject de Kohut. Ces métaphores nous livrent non seulement des exposés fascinants sur un domaine préjugé, mais nous déstabilisent dans la présentation de la déviance mentale du professeur de piano.

La psychologie des personnages, principalement la mère Kohut ainsi que sa fille, est si bien recherchée que Jelinek nous fait subir l’univers dérangeant dans lequel ils sont victimes, des victimes doloristes. Le portrait brossé de l’appartement des deux femmes est remarquable au point de créer une atmosphère franchement troublante.

Les descriptions évoquant l’enfance d’Erica, citées au début du roman, s’avèrent toutefois épuisement interminables. Elles n’aident aucunement à la progression du récit et ne font que diminuer considérablement l’intérêt et l’attention du lecteur.

Malgré la douceur lyrique de son écriture, Elfriede Jelinek est une auteure exigeante envers son lecteur. Son authenticité littéraire demande beaucoup de concentration. Elle rejoint ainsi un public indifférent au caractère passif de la détente, prenant plaisir à la torture cérébrale.

lundi 12 mars 2007

Prions ensemble

La trame sonore tant attendue des adeptes du groupe culte montréalais Arcade Fire est enfin disponible. Titre inspiré d’un roman de l’auteur américain John Kennedy Toole et enregistré dans une ancienne église à Farnham, en Estrie, Neon Bible marque l’ascension d’une nouvelle religion.

Arcade Fire réussira à convertir de nouveaux fidèles avec ce nouvel opus. Le groupe a développé une sonorité beaucoup plus mature. Parmi l’ensemble de leurs instruments, aucun n’occupe un poste de direction. Il s’agit indéniablement d’un orchestre. Arcade Fire a misé sur la modernisation d’un son produit par des instruments traditionnels et l’intention a été exploitée avec brio.

Les cordes sont également beaucoup plus présentes sur Neon Bible, donnant ainsi un son folklorique. L’orgue provoque cependant un univers en soi. L’instrument pieux saura vous déstabiliser dès les premières notes d’Intervention et vous transportera vers les cieux au cours de My body is a cage. La cadence pianistique de Black mirror relève aussi d’une précision mélodieuse.

Même si les textes s’avèrent moins sombres et moins profonds, les voix sont plus harmonieuses. Butler chante sur un timbre plus sobre et naturel. Pour sa part, Chassagne a vigoureusement travaillé son arrangement vocal, lequel semblait perdu parmi la portée sur Funeral, est tout à fait angélique sur Neon Bible.

Malheureusement, Arcade Fire a laissé tomber le bilinguisme. Ainsi, Neon Bible n’offre aucune chanson en français.

Difficile était d’avoir foi en un meilleur album que Funeral. Honte à tous les Thomas d’entre vous, puisque Neon Bible est un amalgame de mélodies divines.

Amen.

Un amour mortel excessif

Dans le cadre de la 25e édition des Rendez-vous du cinéma québécois, je me suis présentée à la projection de La Belle Bête, un long-métrage dérangeant de Karim Hussain.

D’après le roman de Marie-Claire Blais, La Belle Bête adapte à l’écran le portrait troublant d’une famille aux penchants incestueux. Une mère, Louise (Carole Laure), en adoration devant la beauté angélique et innocente de son fils Patrice (Marc-André Grondin) rejette sa fille Isabelle-Marie (Caroline Dhavernas), dont elle répugne le physique. Cette dernière jalouse l’intimité que son petit frère partage avec sa mère au point de lui affliger des violences martyres.

La Belle Bête se classe inévitablement dans le cinéma de genre. Une fois de plus, Hussain fait évoluer ses personnages dans un environnement surréaliste et onirique, un univers cependant mal exploité, voire excessif.

Avare en dialogues, le scénario signé Julien Fronfrède (également producteur) Hussain et Blais provoque chez ses acteurs une mise en scène quasi-théâtrale. Les personnages adoptent ainsi un accent français maladroit qui frôle le ridicule.

Non seulement le jeu semble forcé, mais la direction photo produit un climat constamment instable. Le montage n’invoque aucun prolongement entre la luminosité des scènes extérieures et à la fadeur des images intérieures. Cette discontinuité n’améliore en rien le rythme décousu de l’histoire causé par une intemporalité ratée.

L’humour ironique et cynique du film est toutefois divertissant. Notons le personnage totalement exagéré de Lanz (David La Haye). Les scènes d’inceste sont également d’une beauté romantique.

La Belle Bête est une œuvre d’un genre qui se fait rare dans le répertoire cinématographique québécois. Malgré ses intentions, Hussain perd son public avec des images beaucoup trop chargées, un abus révélant une importante lacune en ce qui a trait à la recherche.

jeudi 1 mars 2007

Une revanche perverse

Avec son album éponyme, le nouveau duo californien She Wants Revenge livre un testament de haine crue dédié à toutes ses maîtresses. Le premier simple, Tear you apart, risque de vous faire vibrer, vibrer de perversion.

La voix de Justin Warfield vous transportera dans un univers mélodieux, semblable à celui d’Interpol, tout en brisant l’harmonie avec un son beaucoup plus électronique, ponctué de tonalités arides.

Malgré la présence notoire du synthétiseur, ce sont la guitare, particulièrement la bass, et la batterie qui gèrent la cadence musicale. La chanson Sister démontre à quel point le rythme des deux instruments relève d’un calcul irrépressible. Certaines pièces dont Monologue réfèrent à la naissance du mouvement électro du début des années 80, présent dans les clubs avant-gardistes de Soho.

Le groupe ne fait également preuve d’aucune subtilité. Quelques chansons, dont le dernier simple These things, sauront vous secouer avec leurs paroles à caractère sexuel, loin de demander un deuxième niveau de lecture.

Le répertoire de She Wants Revenge compte toutefois une faiblesse : Disconnect. Faut croire que, malgré la précision mélodique du duo, l’absence de voix déstabilise totalement leur son. Composée de faibles accords, cette pièce instrumentale prouve l’indispensabilité d’un arrangement vocal.

Avis à la gente féminine : barrez toujours le loquet de votre salle de bain, de peur que vos ébats intimes se retrouve sur une trame sonore…

La déception d’un son

Le groupe suédois The Sounds a récemment lancé son deuxième album Dying to say this to you. C’est après avoir été séduite par le vidéoclip du premier simple électrisant Painted by numbers que je me suis ruée sur ce nouvel opus.

Avec Dying to say this to you, The Sounds a tenté d’évoluer avec un son beaucoup plus électro que son album précédent, Living in America. L’intention se fait sentir, mais les efforts sont voués à l’échec.

En effet, la guitare abandonne son poste de chef d’orchestre pour céder au clavier la charge de la direction mélodique. Ce relais a pour conséquent un recueil de notes faciles qui mène à une pop beaucoup moins recherchée, frôlant parfois le kitsch.

Dans ce sens, Tony beat est tout à fait énervante, voire insupportable. Night after night s’avère le pire choix musical du répertoire : la pièce fait gravement douter le talent d’Ivarsson pour le chant. Quelques simples accords au piano accompagnent la voix de la sexy Suédoise, laquelle ne semble pas apte à tenir une note correctement, forçant sa voix dans une clé totalement irritante. C’est cependant avec Hurt you que The Sounds tombe dans le ridicule alors qu’Ivarsson partage son micro avec un de ses musiciens pour ainsi produire une influence pathétique de Depeche Mode.

Dying to say this to you n’est toutefois pas une défaite absolue pour le groupe dans la pop électro. La mélodie de Painted by numbers nous accroche dès ses premières notes. Le court duo musical que forme la batterie dirigée par le synthétiseur relève d’une transe harmonieuse. La voix parfois rauque, parfois féminine de Maja Ivarsson au cours de Song with a mission, Queen of apology et Ego, ne fait que nous séduire.

Enfin, ce n’est pas avec une direction photo électrique, une chanteuse au sex-appeal affriolant et une pochette aguichante que le groupe atteindra THE sound.