dimanche 9 décembre 2007

L'ère du changement

Dans le cadre de sa 36e édition, le Festival du Nouveau Cinéma (FNC) offrait une de ses programmations les plus riches et les plus diversifiées. L’événement soulignait aussi quelques premières québécoises très attendues, soient le premier long-métrage de Jean Leclerc, Ice cream, Durs à cuire de Guillaume Sylvestre ainsi que L’âge des ténèbres de Denys Arcand.

Malgré les mauvaises critiques depuis sa sortie à Cannes, le dernier film d’Arcand était présenté à guichet fermé. Dans l’assistance, l’excitation était palpable, principalement lorsque Claude Chamberlan, fondateur et directeur de la programmation du FNC, a annoncé la présence de Denys Arcand après la projection. Malheureusement, mon sentiment de satisfaction est venu uniquement au moment où la bande de film a cessé de tourner, suivi par l'entrée du principal invité.


Fonctionnaire provincial, Jean-Marc Leblanc (Marc Labrèche) est lassé de son train de vie. Mal marié, père sans autorité, employé blasé, il tente d’échapper à son quotidien en se glissant dans la peau d’un grand charmeur célèbre, souhaitant que ses aventures le mène vers la quiétude.


L’âge des ténèbres
est sans aucun doute le long-métrage le plus commercial d’Arcand. Il semble que depuis Les invasions barbares, le cinéaste ne se satisfait plus de s’inspirer d'une réalité sociale québécoise sombre, mais plutôt de surligner avec une touche caricaturale le système dans lequel cette dernière baigne.

En effet, le cinéaste fait évoluer ses protagonistes dans des endroits complètement absurdes. Du stade olympique au site de duels médiévaux, présentant des personnages tous aussi illuminés que vides, adoptant un mode de vie déconnecté de la réalité. Cette approche satirique fait grandement penser à la trilogie Elvis Gratton, particulièrement le troisième volet, de Pierre Falardeau.


Avec L’âge des ténèbres, Arcand brise les lois de la dramaturgie cinématographique et ce risque dérange considérablement le spectateur. Certaines scènes, principalement celle de l'épopée médiévale, manifestent des longueurs qui provoquent l’ennui. Aussi, un clin d'œil douteux à Tarantino pour son œuvre Kill Bill tend à déstabiliser de sorte à installer un parallèle démentiel.


La palette d’acteurs est toutefois impressionnante. Sylvie Léonard, fidèle (si ce n'est que redondante) à ses choix de casting, est efficace dans son rôle de femme de carrière frustrée, mal baisée. Pour sa part, Marc Labrèche s’avère juste, mais échoue en ce qui a trait à l’émotivité de son personnage de sorte à manifester un vide
.

Malgré tout, Arcand ne laisse pas tomber (heureusement!) le côté noir de la vie, soit la mort. Cette dernière est toujours présente et le cinéaste l’illustre avec une intensité poignante. Même si elle s’avère plus accessoire dans ce long-métrage, c’est dans les scènes où elle est éloquente, notamment à l’hôpital, que l’on retrouve avec soulagement la signature d’Arca
nd.

Ne vous méprenez pas à croire qu’il s'agit d’un troisième volet à la fameuse « suite » au Déclin de l’empire américain et aux Invasions barbares. Bien que le cinéaste ait un faible pour les époques historiques, L’âge des ténèbres reste simplement familier dans l’inspiration générale du récit
.

Avec L’âge des ténèbres, Arcand montre que même la dépression provoque le fantasme et le rêve. Une chose est sûre, réaliser ces derniers et se faire plaisir ne fait pas toujours le bonheur du public.

dimanche 2 décembre 2007

Besoin d'amour

The Beatles a toujours exercé un pouvoir d’influence considérable dans la musique. Au cours des dernières années, l’œuvre du groupe culte britannique a non seulement inspiré le monde du cirque (LOVE), mais particulièrement le cinéma. Après l’émouvant I am Sam, c’est Across the Universe qui présente une trame narrative entièrement construite à partir des chansons des Beatles, mettant en vedette les personnages célèbres de ces dernières, évoluant dans une atmosphère qui leur sont propre : le romantisme psychédélique.

Jude (Jim Sturgess) quitte Liverpool pour aller retrouver son père aux États-Unis. Il fait ainsi la rencontre de Max (Joe Anderson), un jeune bourgeois rebelle. Accompagnés de la sœur de ce dernier, Lucy (Evan Rachel Wood), les deux jeunes hommes quittent la banlieue pour partir à New York afin de vivre un quotidien libertin, sans limites, propre à la réalité du mouvement hippie des années 60. Alors que le pays est en guerre au Vietnam, Max est appelé à joindre les rangs du peloton. Submergés par l’amour, l’art et le militantisme pour la paix, ses jeunes aveuglés par la passion se trouveront soudainement atteints par la rupture.


La comédie musicale de Julie Taymor transporte agréablement le spectateur dans un univers rêveur, là où limite est synonyme de réalité. La direction photo ainsi que la direction artistique des scènes chorégraphiques sont dignes d’un trip d’acide coloré mais surtout, transcendant. Chaque chanson est exploitée dans toute sa beauté lyrique dévoilant peu à peu la vulnérabilité des personnages. La performance de Strawberry fields forever, criante de désespoir, est intensément renversante alors que Jude se trouve à la fois blessé et soudainement envahi par la haine.


C’est toutefois I am the Walrus, interprété par un Bono illuminé, qui signe un moment culte dans le psychédélisme narratif. La séquence de nudité sous l’eau marque également un moment de pur romantisme, voire virginal.

Même si quelques scènes peuvent sembler discordantes les unes par rapport aux autres, ces dernières révèlent tout le caractère expérimental et poétique du film. Malgré tout, certaines longueurs s’imposent. Bien que les images réussissent à séduire le public, le montage faut en ce qui a trait à la concision.

Les acteurs, parfois justes, parfois maladroits, font preuve d’une fragilité charismatique, comme le font souvent ces jeunes artistes « découverte » sortis directement de l’underground des arts de la scène.

Across the Universe
s’avère inévitablement la meilleure comédie musicale depuis Moulin Rouge. Le long-métrage nous plonge dans un univers où l’on tombe amoureux de la vie, amoureux de la musique; une réalité qui prend fin là où l’on ferme les yeux.

Reste
à trouver notre Jude ou notre Lucy, puisque « love is all we need ».