mercredi 14 mars 2007

Une torture pianistique

L’écrivaine allemande Elfriede Jelinek est reconnue pour sa plume crue et poétique. Son premier roman traduit de l’allemand au français, La Pianiste, n’est pas une exception. Considérée comme une œuvre semi-biographique, il s’agit d’une littérature exemplaire en ce qui a trait à la romance de l’autoportrait.

Jelinek livre l’existence troublée d’une pianiste de 36 ans, Erica Kohut, vivant toujours sous le toit maternel. Cette dernière se procure des vêtements griffés, fréquente régulièrement les peep-shows et espionne les fornications des amants du Prater pour ainsi échapper à l’emprise de sa vieille mère. C’est auprès d’un de ses apprentis, au Conservatoire de Vienne, que l’honorable professeur de piano tentera d’échapper à ses pulsions sexuelles incontrôlables. Tombée sous le charme du séduisant et talentueux Walter Klemmer, Erica perdra toute maîtrise d’elle-même pour enfin atteindre une rébellion dérangeante, voire masochiste.

La Pianiste est un roman dans lequel le lyrisme orchestre avec finesse le parallèle du courant classique de la musique vénéré par Schubert et le désir sexuel abject de Kohut. Ces métaphores nous livrent non seulement des exposés fascinants sur un domaine préjugé, mais nous déstabilisent dans la présentation de la déviance mentale du professeur de piano.

La psychologie des personnages, principalement la mère Kohut ainsi que sa fille, est si bien recherchée que Jelinek nous fait subir l’univers dérangeant dans lequel ils sont victimes, des victimes doloristes. Le portrait brossé de l’appartement des deux femmes est remarquable au point de créer une atmosphère franchement troublante.

Les descriptions évoquant l’enfance d’Erica, citées au début du roman, s’avèrent toutefois épuisement interminables. Elles n’aident aucunement à la progression du récit et ne font que diminuer considérablement l’intérêt et l’attention du lecteur.

Malgré la douceur lyrique de son écriture, Elfriede Jelinek est une auteure exigeante envers son lecteur. Son authenticité littéraire demande beaucoup de concentration. Elle rejoint ainsi un public indifférent au caractère passif de la détente, prenant plaisir à la torture cérébrale.